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Bienvenue dans la sixième grande extinction

vendredi 25 juillet 2014

par Agnès Vernet

Dans un contexte d’accélération de la perte de biodiversité, les stratégies de conversation se multiplient et préparent le probable clonage d’espèces disparues.

L’histoire de la Terre compte déjà cinq extinctions de masse. De nombreux spécialistes de la biodiversité estiment que nous sommes en train de vivre la sixième. D’après une analyse menée par des chercheurs de l’Université Stanford, de l’University College de Londres et de l’Université de Californie à Santa Barbara, pas moins de 322 espèces de vertébrés ont disparu depuis l’an 1 500 (1). Au cours des 35 dernières années, le nombre de vertébrés a diminué de 45 % alors que dans le même temps, la population humaine a doublé.
Ce déclin ne concerne pas uniquement les vertébrés mais tous les animaux terrestres – qui dominent ces travaux. Rien qu’au Royaume-Uni, la surface des zones habitées par les insectes communs – cafards, abeilles, papillons... – a diminué de 30 à 60 % au cours des 40 dernières années. Les chercheurs soulignent que le caractère dramatique de ce phénomène ne se résume pas à des considérations esthétiques : 75 % de la production mondiale de semences s’appuie sur la pollinisation par les insectes ; le contrôle des insectes nuisibles représente un budget annuel mondial de 4,5 milliards de dollars, un coût mirobolant qui devrait encore augmenter suite à la diminution du nombre de prédateurs ; et le déclin des populations d’amphibiens conduit à une augmentation des volumes d’algues et, à terme, détériore la qualité des eaux.
Pour enrayer ce processus de perte de diversité animale, plusieurs approches sont mises en œuvre. Quatre chercheurs, d’universités néo-zélandaises, britanniques et des Émirats arabes unis, en propose l’évaluation (2). Les programmes de restauration de populations, via la réintroduction – installation d’une population sur un territoire ayant subi une extinction locale – ou le renforcement – déplacement d’individus dans une communauté affaiblie afin d’en améliorer la viabilité –, semblent n’avoir eu que peu de succès – environ 23 % pour les réintroductions.
Depuis 1985, les conservateurs ont imaginé la « colonisation assistée », des déplacements encadrés de populations vers de nouveaux habitats. Mais les ravages causés par les espèces invasives ont conduit les scientifiques à regarder ces stratégies avec scepticisme. Ces dernières intègrent néanmoins plusieurs programmes en Australie, notamment l’installation du perroquet-hibou (Strigops habroptila) dans une île dépourvue de prédateurs alors qu’il était menacé par des mammifères importés sur l’île principale.
Plus récemment, une autre approche s’est développée : le remplacement écologique. Elle consiste à combler une fonction écologique par l’introduction d’une espèce de substitution à celle qui a disparu. Par exemple, dans les années 1990, la tortue géante Aldabrachelys gigantea a été introduite sur l’Île Maurice afin de remplacer les tortues éteintes du genre Cylindraspis et ainsi de recréer leurs rôles auprès des algues (pâture, piétinement, dissémination).
Enfin, le retour à la vie sauvage présuppose une structuration de la biodiversité grâce aux grands mammifères. En France, le loup et l’ours dans les Pyrénées en sont des exemples. Pour limiter les dégâts de la sixième grande extinction, il existe ainsi un panel de stratégies. Demain, grâce au clonage et à la biologie de synthèse, il faudra aussi intégrer la « dé-extinction », la (re)genèse d’espèces disparues. Encore faudra-t-il bien choisir les futures espèces dé-éteintes : elles devront être une source de diversité génétique et ne pas mettre en péril leur futur habitat.

(1) Dirzo R et al. (2014) Science 345, 401-6
(2) Seddon PJ et al. (2014) Science 345, 406-12

A. gigantea.
© Nik Cole

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