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De l’artémisinine de synthèse à l’usine

jeudi 11 avril 2013

par Agnès Vernet

Pour éviter la spéculation sur une molécule vitale dans la lutte contre le paludisme, la biotechnologie et son application industrielle ne manquent pas de ressources.

L’artémisinine est à la base des traitements du paludisme. Cette molécule active est produite par l’armoise annuelle (Artemisia annua) dont l’exploitation mondiale permet de récupérer 30 à 40 tonnes d’artémisinine par an en moyenne. Mais cette ressource agricole place la production des traitements antipaludiques sous le joug d’aléas climatiques et de spéculations de marché. Pour s’affranchir de ces contraintes, des chercheurs de l’Université de Californie à Berkeley, dirigés par Jay Keasling, ont mis au point une voie de biosynthèse artificielle d’un précurseur de l’artémisinine dans la levure Saccharomyces cerevisiæ. Le produit – l’acide artémisinique – est, dans un second temps, transformé en principe actif par conversion chimique.
La clé de la réussite de la première étape consiste en l’ajout d’une déshydrogénase et d’un second cytochrome à la machinerie de la levure. Grâce à ces deux éléments, la voie de biosynthèse atteint des rendements jusqu’ici inégalés : 25 grammes par litre.
En 2007, des travaux précurseurs ont été à l’origine d’un appel d’offre lancé par l’Institut OneWorld Health et la Fondation Bill & Melinda Gates afin d’encourager leur industrialisation. Le lauréat, Sanofi, a su faire valoir son expérience dans la préparation de traitements antipaludiques, sa capacité industrielle et son programme d’accès aux médicaments. La multinationale a développé une conversion de l’acide artémisinique en artémisinine par photochimie. Cet aboutissement a, par ailleurs, permis à Sanofi de remporter, en 2012, le prix Pierre Potier, récompensant un effort industriel en faveur de la chimie verte. La démarche se concrétise aujourd’hui, jeudi 11 avril 2013, par l’inauguration de la ligne de production d’artémisinine semi-synthétique à l’usine Sanofi de Garessio en Italie.
Cependant, l’histoire de l’artémisinine de synthèse ne s’arrête pas là. Les chercheurs californiens poursuivent leurs travaux et proposent, après l’extraction de l’artémisinine, une conversion chimique grâce à l’oxygène singulet – une espèce excitée du dioxygène. Cette solution semble éviter le recours à la photochimie et compléter la biosynthèse à moindre coût.
Cette source synthétique d’artémisinine ne fait pas l’objet d’une compétition économique. Après l’optimisation du rendement, l’équipe de Jay Keasling et sa spin-off Amyris proposent leur solution industrielle sans charge liée à la propriété intellectuelle. Il s’agit donc d’une démarche « sans perte ni profit » pour Sanofi. L’idée ne consiste pas à remplacer la production naturelle d’artémisinine mais de « proposer une source alternative afin de garantir un prix stable et bas », selon un responsable de la communication de la société pharmaceutique française.

Paddon CJ et al. (2013) Nature, doi:10.1038/nature12051

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