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Hommage

Décès de François Jacob

lundi 22 avril 2013

par Safi Douhi

Biologiste nobélisé et résistant décoré, François Jacob s’est éteint vendredi 19 avril, à 92 ans.

C’était il y a 52 ans, en juin 1961. Trois biologistes français, François Jacob, Jacques Monod et André Lwoff, décrivaient dans le Journal of Molecular Biology la découverte de l’ARN messager et de l’opéron bactérien, la machinerie de régulation de la synthèse protéique bactérienne. Une révolution à l’époque, intervenue quelques années après la découverte de la structure tridimensionnelle hélicoïdale de l’ADN par James Watson et Francis Crick, préfigurant l’avènement de la biologie moléculaire. En 1965, Jacob, Monod et Lwoff reçurent le prix Nobel de physiologie pour leurs travaux. Une trajectoire impressionnante que celle de François Jacob, Compagnon de la libération maintes fois décoré, chercheur reconnu, membre des Académies des sciences et française, lui qui voulait être chirurgien.
En 2011, nous avons eu l’honneur de le rencontrer pour un numéro spécial de Biofutur dédié à la découverte majeure à laquelle il participa. Extraits.

Biofutur - Comment êtes vous devenu biologiste ?
François Jacob - Je voulais en fait devenir chirurgien. Mais j’ai rejoint la résistance en Angleterre, en juin 1940, au cours de ma deuxième année de médecine. À la fin de la guerre, j’étais en morceaux, avec des éclats d’obus dans les membres, un bras et une jambe qui ne fonctionnaient plus. Pendant cinq ans je n’ai pas su ce que j’allais devenir. Je n’avais plus goût à rien. Jusqu’au jour où j’ai rencontré un cousin de ma femme, lui aussi résistant, qui avait décidé de faire de la biologie et trouvé un très bon laboratoire. Je me suis dit « pourquoi pas moi ? ». J’ai donc cherché et j’ai trouvé un remarquable laboratoire, celui d’André Lwoff à l’Institut Pasteur. J’y suis allé tous les mois en disant à Lwoff que je voulais travailler avec lui. Et tous les mois, gentiment, il me disait qu’il n’avait rien à me proposer. Au bout de quelques mois, il en a eu tellement marre qu’il a fini par m’intégrer le 1er octobre 1950.

BF - Arrive 1953 et la découverte de la structure de l’ADN par Watson et Crick. Qu’a permis la double hélice ?
FJ - Avant cela, la biologie était quelque chose d’un peu fumeux. La double hélice lui a permis de devenir moléculaire, d’introduire les mœurs et la rigueur de la physique. Le premier gros résultat de cette nouvelle biologie fut effectivement celui de Watson et Crick, qui ont montré que l’hérédité peut s’expliquer par les propriétés et la structure d’une molécule en double hélice, l’ADN. En 1953, j’étais au grand symposium américain de Cold Spring Habor, la Mecque de la génétique microbienne, où ils ont présenté leurs travaux. Au départ, je n’ai rien compris, si ce n’est que c’était une découverte très importante. André Lwoff et Jacques Monod n’étaient pas non plus très bons en physique, mais ils ont compris l’importance capitale pour la biologie. C’était alors une science très molle et cela l’a complètement transformée. On pouvait expliquer des mécanismes aussi complexes que l’hérédité par les propriétés physiques et biochimiques d’une molécule. C’était révolutionnaire !

BF - Quelle était alors la théorie pour expliquer la synthèse protéique ?
FJ - La première explication raisonnable de la synthèse protéique a été celle de Francis Crick, au début des années 1950, dans un article retentissant où il exposait en termes semi-moléculaires sa conception de cette synthèse. Cela renouvelait le paysage de la biologie et ouvrait la porte à d’autres découvertes, dont celle de l’opéron. Mais le plus important, c’est la découverte du messager envoyé par les gènes sur les ribosomes, les fabricants. On tenait là le principe général de la synthèse protéique. Ce messager, nous l’avons découvert à la fin des années 1950 chez Escherichi coli, grâce à des expériences de centrifugation différentielle réalisées en collaboration avec Sydney Brenner. C’était une structure particulière de l’ARN que l’on a trouvée avec beaucoup de difficulté parce qu’elle est très instable.

BF - En 1961 paraît votre article exposant la découverte de l’ARN messager et de l’opéron bactérien. Comment a-t-il été reçu par la communauté scientifique ?
FJ - Avec enthousiasme ! Les lois qu’il décrivait ont d’ailleurs persisté depuis. Il y a bien eu quelques groupes de résistance mais cela n’a pas duré. Pourtant, jusque-là, les gènes étaient considérés comme des entités intangibles, installées dans le noyau de la cellule où elles régnaient sur les autres composantes. Une sorte de « tête pensante ». Et si ça pensait, c’était surtout influencé par des facteurs extérieurs. Par conséquent, il devait y avoir un système de régulation entre le noyau, où se trouvent les gènes, et le cytoplasme, où sont situés les ribosomes. Nous avons montré que des molécules viennent au contact de l’ADN pour en activer ou en bloquer l’expression.

Entretien à retrouver dans son intégralité dans le n° 321 de Biofutur

© S. DOUHI © BIOFUTUR – 2011

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