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Des bactéries bipolaires

mercredi 16 janvier 2013

par Agnès Vernet

La distribution des micro-organismes marins révèle l’existence de bactéries spécifiques des pôles et agite la microbiologie environnementale.

« Tout est partout mais l’environnement sélectionne ». Cette hypothèse formulée en 1934 par le microbiologiste néerlandais Lourens Baas-Becking semble sur le point de s’effondrer. Ce principe fondateur de la microbiologie environnementale suggère qu’en l’absence de frontière physique, les micro-organismes se répandent dans tous les milieux et se développent avec plus ou moins de zèle selon les conditions. C’est ce que les spécialistes appellent le « cosmopolisme bactérien ». Mais l’analyse des grandes bases de données construites au cours de la dernière décennie met en péril cette assertion.
Des recherches dirigées par le laboratoire américain de biologie marine à Woods Hole, avec la participation des universités de Hawaï et Brown, démontrent, en effet, l’existence d’une distribution strictement bipolaire de certaines espèces bactériennes et jettent ainsi le voile sur l’hypothèse de Baas-Becking.
Les biologistes ont travaillé sur les données issues du séquençage systématique des échantillons marins recueillis lors d’expéditions entre 2004 et 2010, dans le cadre du projet de Recensement international des microbes marins (ICoMM). Ils ont ainsi comparé 4,23 millions de séquences de la région hypervariable V6 de l’ARN ribosomique 16S bactérien. Ils ont ensuite analysé ces données en relation avec les informations géographiques associées aux échantillons grâce à des outils bio-informatiques.
Il apparaît que la distribution des bactéries suit un motif biogéographique plus proche de celui des organismes macroscopiques. Certains taxons bactériens s’avèrent spécifiques des deux pôles. Selon Linda Amaral-Zetter, du laboratoire de Woods Hole, « cela suggère qu’il existe des forces qui limitent la dispersion des bactéries dans l’Océan ». Elle pense « que les masses d’eau pourraient s’avérer de potentielles frontières ».
Ainsi, les courants océaniques ou, dans certains cas, les barrières géochimiques pourraient impacter la distribution des micro-organismes marins. Ce qui implique que les changements climatiques et les variations de température, de pH ou de salinité influent sur la répartition géographique des bactéries marines. Des éléments qui tendent à confirmer la vulnérabilité accrue de ces espèces au réchauffement climatique.

Sul WJ et al. (2013) Proc Natl Acad Sci USA,
doi:10.1073/pnas.1212424110

Eaux de la péninsule Antarctique près de la station Palmer qui recueille des échantillons pour le projet ICoMM.
© Hugh Ducklow

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