Des infections nosocomiales sous l’influence des phages

Bien connu du monde hospitalier, Enterococcus fæcalis est une bactérie naturellement logée dans notre tractus gastro-intestinal. Polylysogène – elle contient le génome de plusieurs phages -, elle est aussi armée pour s’adapter facilement et peut, chez les individus les plus fragiles, démontrer un grand pouvoir de nuisance nosocomiale. Afin d’étudier le rôle des prophages dans la pathogénicité de E. fæcalis, des chercheurs de l’Inra, de l’Institut Pasteur, de la Nouvelle université de Lisbonne et de l’Université Complutense de Madrid ont caractérisé l’activité biologique de six d’entre eux, isolés d’une souche adaptée à l’environnement hospitalier. Ils démontrent que ces génomes phagiques codent des protéines impliquées dans l’adhésion aux plaquettes humaines, ce qui constituerait la première étape des endocardites infectieuses. Les prophages semblent, en effet, faciliter le transport d’E. fæcalis via les plaquettes dans le système sanguin, ce qui aboutit à une colonisation des valves cardiaques. C’est la première fois que le rôle des phages dans la complication d’une infection nosocomiale est mis en évidence.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Ces résultats expliquent la susceptibilité augmentée aux infections nosocomiales par E. fæcalis en cas de traitements antibiotiques. En tuant les bactéries, la fluoriquinolone provoque une libération massive des prophages et donc une dissémination des gènes favorisant la pathogénie d’E. fæcalis. Un véritable retour de bâton antibiotique.
Matos RC et al. (2013) PLoS Genetics 9, e1003539

E. fæcalis et un de ses phages
© Inra/Thierry Meylheuc/Inra Micalis Plateforme MIM