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Du perchlorate aux origines de la vie

vendredi 5 avril 2013

par Agnès Vernet

Certaines formes primitives de vie ont su trouver leur place dans un monde très oxydé. Des bactéries ont même réduit un anion toxique, le perchlorate. Une stratégie partagée avec les archées.

Savoir réduire les anions perchlorates (ClO4-) pourrait avoir été l’un des épisodes capitaux pour l’expansion de la vie sur Terre. Certains paléobiologistes considèrent que des bactéries des phyla Firmicutes et Proteobacteriæ, en réalisant cette opération, ont diminué l’oxydation du milieu primitif et ainsi facilité la croissance d’autres formes de vie bien avant l’apparition des organismes photosynthétiques. Mais bien que cette aptitude soit assez répandue, on la circonscrit généralement au règne bactérien. Or des chercheurs des universités hollandaises de Wageningen et Delft ont découvert qu’une archée, l’hyperthermophile Archæoglobus fuldigus, peut réduire le perchlorate (1). A. fuldigus est un extrêmophile peuplant les milieux très chauds, comme les cheminées volcaniques ou les formations géothermiques.
Chez l’archée, le mécanisme précis de cette réduction reste inconnu. Les bactéries utilisent deux enzymes spécifiques : une (per)chlorate réductase réduit le perchlorate en chlorate (ClO3-), puis le chlorate en chlorite (ClO2-). Or le chlorite est une espèce chimique toxique. Très rapidement, une chlorite dismutase transforme le chlorite en dioxygène et en chlorure (Cl-). Ce mécanisme – fréquent – permet de traiter rapidement l’ion toxique. D’autres micro-organismes n’ont pas d’enzyme spécifique. Les bactéries dénitrificatrices, par exemple, réduisent le chlorate et le perchlorate, mais elles ne transforment pas le chlorite et conservent l’ion toxique. Cette réaction est alors associée à une période sans croissance. Or rien n’indique qu’A. fuldigus ralentisse son métabolisme.
Des expériences de croissance associées à des analyses génomiques et protéomiques démontrent que l’archée s’appuie sur une réductase spécifique similaire à celle des bactéries. Néanmoins le chlorite ne semble pas être transformé en dioxygène et en chlorure par réaction enzymatique. Les chercheurs hollandais supposent que l’espèce toxique est traitée lors d’un mécanisme impliquant le souffre. Une hypothèse très peu probable pour Robert Nerenberg, de l’université américaine de Notre-Dame, en raison de la compétition énergétique qui s’établit entre les espèce chimiques (2). Selon le biologiste américain, les archées n’ont aucun intérêt à réduire du perchlorate si du souffre est disponible. A. fuldigus conserve ainsi le secret de son mystérieux mécanisme. Existe-t-il d’autres dismutases capables de transformer le chlorite en chlorure ? Combien d’espèces savent « respirer » du perchlorate ? Quelle est la place de cette voie métabolique dans l’histoire de la vie sur terre ? Et ailleurs, le perchlorate étant présent sur Mars ?

(1) Liebensteiner MG et al. (2013) Science 340, 85-7
(2) Nerenberg R (2013) Science 340, 38-9

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