L’évolution n’est pas toujours un processus lent, même chez les vertébrés. Des chercheurs des universités d’Alaska, de Fairbanks et d’Anchorage, en collaboration avec l’Université de l’Oregon à Eugene et l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign, ont démontré que quelques décades suffisent pour modifier le destin d’animaux.
Ce résultat est le fruit d’observations dans le golfe l’Alaska. Cette zone a subi de grands bouleversements après le tremblement de terre de 1964 : des bassins d’eau douce ont surgi sur des îles dans la baie du Prince-William, piégeant des populations d’épinoches (Gasterosteus aculeatus), de petits poissons bardés d’épines qui vivaient jusque-là dans de l’eau salée. Les analyses génomiques – le séquençage de quelques 130 000 polymorphismes nucléotidiques simples chez plus de 1 000 individus prélevés sur trois îles – montrent que les animaux n’ont pas mis longtemps pour s’adapter à leur nouvel environnement. En un demi-siècle, les poissons d’eau douce ont divergé de leur ancêtre marin et cette évolution a débuté dès les premières années de colonisation.
Cette incroyable rapidité d’adaptation semble liée à la richesse génétique existant dans la métapopulation d’épinoches. G. aculeatus est présent dans de très nombreux milieux de l’Hémisphère nord – eaux douces, marines ou saumâtres – et dispose ainsi d’une grande variété génétique. Les scientifiques suggèrent que l’architecture du génome de ces poissons serait aussi favorable à cette évolution express en facilitant le réassemblage de groupes de séquences géniques afin qu’elles deviennent actives.
D’autres espèces pourraient aussi être dotées de cette faculté d’évolution à grande vitesse. Une arme incroyable dans l’histoire du vivant, très utile dans un contexte de changement climatique.
Lescak EA et al. (2015) Proc Natl Acad Sci USA,
doi:10.1073/pnas.1512020112
William Cresko, de l’Institut d’écologie de l’Université de l’Oregon, au milieu de ses collections d’épinoches.
© Charlie Litchfield