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Extrêmophiles : trouver de l’énergie au noir

mardi 27 novembre 2012

par Agnès Vernet

La découverte d’une communauté bactérienne en Antarctique révèle une source d’énergie adaptée à l’obscurité, basée sur la géochimie.

La vie est partout, même à -13 °C, dans une saumure anoxique privée de lumière. Suite à des expéditions organisées en 2005 et 2010, notamment par le Desert Research Institute, des chercheurs américains et australiens viennent de mettre en évidence une communauté bactérienne, métaboliquement active et phylogénetiquement variée, dans une saumure prélevée à plus de 15 mètres de profondeur dans le lac Vida, en Antarctique (1). Cette eau d’environ 200 unités pratiques de salinité – environ 35 pour l’eau de mer – serait isolée des environnements de surface depuis plus de 2 800 ans, d’après de précédents travaux (2). Les biologistes ont pourtant caractérisé différentes espèces bactériennes actives, quoique faiblement. La recherche de sous-unités uniques d’ARN ribosomal a ainsi révélé la présence de 8 phylums bactériens distincts (Proteobacteria, Lentisphaera, Firmicutes, Spirochaeta, Bacteroidetes, Verrucomicrobia, TM7 et Actinobacteria). Cet écosystème ne s’appuyant pas sur les fruits d’une photosynthèse (présente ou passée), il fallait découvrir la source d’énergie de ce milieu apparemment clos et complètement privé d’oxygène.
La saumure prélevée dans le lac polaire révèle une légère acidité (pH=6,2) et d’importantes quantités de carbone organique, d’hydrogène moléculaire (H2) et de composés oxydés ou réduits. Or, de tous les scénarios envisagés, un seul s’avère cohérent avec les analyses géochimiques : l’existence de réactions chimiques entre la saumure et la couche de sédiments sous-jacente. Caractérisée sur le site hypersalin du lac Don Juan, toujours en Antarctique, cette interaction eau-roche génère des composés oxydés et de l’H2. Les chercheurs suggèrent donc que l’écosystème de la saumure du lac Vida utilise l’H2 comme source d’énergie. Hypothèse d’ailleurs confortée par la présence de différentes familles de bactéries qui possèdent cette aptitude particulière, comme les Firmicutes ou les Bacteroidetes. Ces recherches éclairent d’idées nouvelles les sources d’énergies de la vie en milieu obscur.

(1) Murray AE et al. (2012) Proc Natl Acad Sci USA,
doi:10.1073/pnas.1208607109

(2) Doran PT et al. (2003) Proc Natl Acad Sci USA 100, 26–31

Expédition du lac Vida en 2010
© Emanuele Kuhn/Desert Research Institute

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