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HM revient d’entre les morts

mercredi 29 janvier 2014

par Agnès Vernet

Des chercheurs ont étudié et modélisé le cerveau du plus célèbre patient des neurosciences.

Pour les neurosciences, le patient « HM » est une superstar. Sa participation, durant 51 ans, à l’élaboration des théories de la mémoire reste aujourd’hui inégalée. De son vrai nom Henry Gustav Molaison, HM est devenu amnésique en 1957 à la suite d’une opération neurochirurgicale visant à soigner ses crises d’épilepsie. L’ablation bilatérale du lobe temporal médian – qui inclut l’hippocampe – permit de réduire considérablement la violence des crises convulsives et entraîna une amnésie antérograde sans modifier profondément les capacités intellectuelles du patient, alors âgé de 27 ans. En clair, bien qu’HM se souvînt de son nom et des informations qu’il avait collectées avant son opération, il était incapable d’intégrer de nouveaux souvenirs à long terme suite à la chirurgie. Sa mémoire immédiate et sa mémoire de travail – qui permet de manipuler mentalement des informations et de les stocker durant de courtes périodes – restaient, elles intactes. HM était capable d’apprendre une tâche ou d’intégrer un conditionnement mais ne pouvait pas raconter cet apprentissage.
Henry Molaison participa à des recherches à l’Institut neurologique de Montréal, où il acquit le surnom d’HM, sa dénomination dans les très nombreuses publications scientifiques dont il est le sujet. L’article de 1957, qui décrit le premier le cas d’HM, est le plus cité de l’histoire de la médecine – plus de 4 600 références (1) ! Il s’agit de la première preuve scientifique du rôle d’une structure anatomique, l’hippocampe, dans l’acquisition de la mémoire. Les différentes expériences auxquelles HM accepta de se soumettre démontrèrent aussi que l’apprentissage non déclaratif s’appuie sur des circuits neuronaux distincts du lobe temporal médian et ne nécessite pas de processus conscient. En revanche, l’opération d’HM et ses conséquences illustrent le rôle central de l’hippocampe dans le processus de consolidation de la mémoire, selon un mécanisme forcément conscient.
Le manque de données précises sur la nature de la lésion chirurgicale incita les scientifiques à réaliser des examens d’imagerie cérébrale, dès le début des années 1980. Ils établirent des estimations plus nettes des structures cérébrales préservées, sans caractériser parfaitement la lésion.
Lors de son décès en 2008, à l’âge de 82 ans, HM offrit son cerveau à la science. Il est conservé depuis par le programme Brain Observatory, de l’Université de Californie à San Diego. Préparé en lames histologiques par l’équipe de Jacopo Annese puis modélisé en 3D, le célèbre organe livre enfin les secrets de son anatomie (2). Les chercheurs observent ainsi qu’une portion de l’hippocampe n’a pas été réséquée. Ils confirment néanmoins que ses connexions avec le néocortex ont été détruites. Les neurologues y voient une explication aux capacités cognitives résiduelles d’HM, notamment d’apprentissage visuel. Cette modélisation participera à améliorer notre compréhension des mécanismes de la mémoire en enrichissant l’héritage, déjà immense, qu’Henry Molaison a laissé à la science.

(1) Scoville WB & Milner B (1957) J Neurol Neurosurg Psychiatr 296, 1–22
(2) Annese J et al. (2014) Nat Commun 5, 3122

Cerveau d’HM lors de la préparation des lames histologiques.
© Annese et al.

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