Les élevages de crevettes affichent clairement leur préférence envers les mâles : plus gros, ils garantissent aux fermes aquacoles de meilleurs rendements. Le sexe des crevettes dépend de la glande androgénique dont la résection entraîne la conversion des mâles en « néo-femelles » capables, étonnamment, de s’accoupler avec des mâles natifs. Leur descendance est alors uniquement composée de mâles. L’étape chirurgicale rend le phénomène inexploitable à grande échelle. Mais les nouvelles approches biotechnologiques pourraient changer la donne.
Après avoir mis en évidence le rôle central des peptides androgéniques similaires à l’insuline – secrétés par la glande androgénique – dans cette conversion sexuelle, des chercheurs de l’Université Ben Gurion du Négev, en Israël, ont généré des ARNi afin de bloquer leur production. En les injectant aux crevettes mâles Macrobrachium rosenbergii, ils observent leur transformation en néo-femelles au comportement reproductif attendu : leur descendance est strictement masculine.
Le potentiel de ces ARNi ne semble pas se limiter à l’amélioration du rendement des fermes aquacoles. Les M. rosenbergii sont aussi de redoutables agents de biocontrôle des bilharzioses – un groupe de maladies tropicales négligées induites par le parasite du genre Schistosoma dont les conséquences peuvent être importantes notamment chez l’enfant – comme le démontre le projet Crevette (2). Les crustacés se délectent, en effet, des escargots d’eau douce du genre Biomphalaria, hôte intermédiaire du parasite qui facilite sa dispersion. Ces populations de crevettes strictement masculines, donc incapables de se reproduire, pourraient ainsi participer aux programmes de biocontrôle des Schistosoma en évitant le risque d’introduire une nouvelle espèce potentiellement invasive.
(1) Ces travaux sont présentés au congrès 2014 de la Society of Experimental Biology
(2) Sokolow SH et al. (2014) Acta Tropica 132, 64-74
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M. rosenbergii.
© Amir Sagi