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L’enzyme qui fait le lien métabolique

jeudi 7 février 2013

par Agnès Vernet

Chez les plantes, une seule enzyme contrôle deux voies métaboliques indépendantes dédiées à leur croissance.

Les végétaux ont une puissance d’adaptation insoupçonnée. Si vous abritez de la lumière le haut d’Arabidopsis thaliana, la plante ajuste en quelques heures sa croissance de manière à ne pas perdre sa capacité photosynthétique. En pratique, la tige pousse très vite à la recherche de lumière. Les pétioles – qui relient la tige et les feuilles – s’allongent rapidement aussi. Or la croissance de ces deux organes est sous contrôle de deux voies métaboliques distinctes. La tige est sous l’influence de l’auxine, le pétiole de l’éthylène. Et les voies de biosynthèse de ces deux hormones apparaissent comme indépendantes.
Pour comprendre ce phénomène, des recherches menées à l’Institut Salk pour les études biologiques en Californie, à l’Université suédoise des sciences agricoles ainsi qu’à l’Université Palaký et à l’Académie des sciences de République tchèque, ont appliqué une approche génétique à ce comportement d’évitement de l’ombre. De proche en proche, les chercheurs ont pu isoler un locus qui code l’aminotranférase VAS-1 – nommée d’après sa capacité à inverser un phénotype dit SAV, pour shade avoidance. En effet, si on supprime ce locus, la plante perd le contrôle de ce processus de croissance rapide. Tige et pétioles grandissent alors de manière exagérée. VAS-1 semblent donc agir sur les voies métaboliques de l’auxine et de l’éthylène. Mais considérant la rapidité du phénomène, l’hypothèse d’une régulation génique est peu probable. Les chercheurs ont ainsi découvert que SAV-1 transfert une méthionine d’un intermédiaire de la biosynthèse de l’éthylène vers un précurseur de l’auxine. L’enzyme agit donc comme un pont entre les deux voies.
En ne reposant que sur une seule enzyme, ce mécanisme de régulation combinée de deux voies métaboliques indépendantes est extrêmement réactif. Il permet à l’organisme de s’adapter à un changement d’environnement en quelques heures, sans nécessiter de synthèse protéique particulière. Selon Joanne Chory, professeur de biologie végétale à l’Institut Salk, « l’évolution est conservatrice. Si vous trouvez un mécanisme dans un système, la probabilité est forte que vous le trouviez dans toute la nature. » Joseph Noel, directeur du centre de recherche en protéomique de l’Institut Salk ajoute : « Nous venons de démontrer qu’il faut sérieusement revoir nos certitudes sur la synchronisation des processus métaboliques ».

Zheng Z et al. (2013) Nat Chem Biol,
doi:10.1038/nchembio.1178

En absence de VAS-1 (à droite), la plante réagit de manière exagérée à l’ombre que pourrait lui imposer sa voisine.
© avec l’aimable autorisation de l’Institut Salk pour les études biologiques

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