Accueil du site > TECHNOBIO > La chasse aux protons est ouverte

La chasse aux protons est ouverte

jeudi 24 juillet 2014

par Agnès Vernet

Déterminer la présence d’un ion H+ est désormais possible grâce à la cristallographie neutronique.

Les enzymes à hème sont des acteurs importants du métabolisme. Grâce à leur atome de fer, elles activent l’oxygène et participent ainsi à la détoxification de l’organisme ou à la respiration. Déterminer finement leur structure et leur mécanisme d’action est donc un enjeu important.
Si la structure de la cytochrome C peroxydase a été élucidée dès 1980, le détail de son intermédiaire ferryle – quand le fer de l’hème est sous la forme Fe4+ – reste indéterminée. Depuis plusieurs années, les scientifiques cherchent à savoir si l’hème ferryle porte ou non un proton au cours de cette phase transitoire. De nombreuses techniques ont été mises en œuvre – cristallographie à rayons X et spectroscopie notamment – sans apporter de solution. Très mobiles, les ions H+ sont difficilement repérables et peuvent être disséminés par l’action ionisante des rayons X.
Des chercheurs de l’Université de Leicester, au Royaume-Uni, ont résolu ce problème grâce à la cristallographie neutronique, une technique qui permet de localiser les atomes d’hydrogène en évitant la dégradation de l’échantillon par les rayons X. Ils ont, dans un premier temps, déterminé la structure de l’hème de l’enzyme dans son état stable, grâce au diffractomètre à neutrons Ladi III de l’Institut Laue-Langevin de Grenoble. Cet instrument leur a permis de découvrir la structure de l’hème à une résolution de 2,4 Å. Les chercheurs ont ensuite refroidi la cytochrome C peroxydase, juste après sa transformation en intermédiaire ferryle, à une température de -173 °C. Ainsi cristallisée, la structure a pu être élucidée à 2,5 Å par le réacteur nucléaire FRM II de l’Université technologique de Munich, qui dispose d’un modérateur liquide au deutérium permettant de produire le plus haut flux de neutrons froids du monde.
La comparaison de ces deux structures démontre que l’intermédiaire ne porte pas d’ion H+. Elle a aussi permis de faire une découverte inattendue : la chaîne latérale d’une histidine distale de l’enzyme (His52) est, elle, doublement protonée.
Voilà qui pose de nouvelles questions sur les mécanismes d’activation de l’oxygène dans les enzymes à hème. L’excellence des équipements neutroniques européens contribuera peut-être de nouveau à y répondre.

Casadei CM et al. (2014) Science 345, 193-7

À lire aussi sur biofutur.com

- Les neutrons ultrafroids arrivent en biologie
- Des neutrons pour améliorer les prothèses
- Quand l’ADN guide la cristallisation

Le cœur du réacteur FRM II, en cours d’utilisation.
© J. Neuhaus/FRM II, TUM

SPIP Contact | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0 | mentions légales | logo Lavoisier logo facebook logo twitter Se connecter