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La libération d’un moustique anti-dengue va débuter

jeudi 17 avril 2014

par Agnès Vernet

Le Brésil autorise l’utilisation d’un moustique mutant pour réduire les populations de vecteurs de la dengue.

Pour lutter contre la dengue, le Brésil est prêt à passer aux outils biotechnologiques : le grand pays sud-américain vient, en effet, d’autoriser la dissémination d’un moustique génétiquement modifié pour endiguer la contamination par ce virus potentiellement mortel. Créé par la société britannique Oxitech, OX513A est une souche d’Ædes ægypti porteuse d’un marqueur fluorescent et qui a besoin d’un antibiotique, la tétracycline, pour compléter sa maturation. L’idée est de libérer dans l’environnement les mâles OX513A afin qu’ils s’accouplent avec les femelles sauvages, leur progéniture n’étant pas viable. Au fur et à mesure des salves de moustiques, la population globale d’A. ægypti devrait donc diminuer. D’après une première étude sur le terrain, menée sur les Îles Caïman, les moustiques transformés s’accouplent bien avec les femelles (1). Mais le protocole de cet essai, s’appuyant sur un trop faible nombre d’individus libérés, n’a pas permis de démontrer la réduction de la population native. Des extrapolations statistiques ont permis aux chercheurs d’Oxitech d’estimer le volume efficace des libérations d’OX513A mâles à 5 000 individus par hectare et par semaine. La biotech affirme que l’efficacité de cette stratégie a été démontrée, notamment grâce à un essai en cours au Brésil, mais les résultats n’ont pas encore été publiés.
Ce flou est à l’origine d’une réaction de l’AS-PTA, une association écologiste brésilienne, relatée par le site d’information militant Info’GM (2). Elle pointe l’absence de données et le risque de survie des progénitures porteuses des mutations en cas de pollution de l’environnement par l’antibiotique, peu spécifique. Les doutes portent aussi sur la mortalité des insectes en absence de tétracycline, estimée à 96,5 % pour les animaux hétérozygotes. Notons que cette donnée provient d’un test en laboratoire et que ses auteurs affirment qu’« au vu de la faiblesse des survivants, leur chance de survie sur le terrain est infime » (1). Les militants associatifs, quant à eux, craignent que cette stratégie ne permettent pas de réduire la circulation des insectes vecteurs de la dengue mais aboutisse à une simple dissémination d’animaux génétiquement modifiés.
Info’GM relaie aussi les inquiétudes de l’ONG américaine GM Watch, portant sur la réduction temporaire des populations de moustiques vecteurs et ses conséquences sur l’immunité humaine contre la dengue. Ils estiment que ce protocole pourrait conduire à une baisse de l’immunité et à une aggravation en contrecoup des cas d’infection.
Enfin, un dernier élément sonne comme une alarme : le risque que la réduction des populations d’A. ægypti ne facilite l’expansion d’A. albopictus l’autre vecteur de la dengue. Cet élément a été pris en considération par la Comissão Técnica Nacional de Biossegurança (CNTbio), la commission brésilienne en charge de l’évaluation des biotechnologies, qui recommande fortement la surveillance des populations sauvages d’A. albopictus.
Ces appels à davantage de précaution ne semblent pas pouvoir influer sur la décision de la CNTbio. La commercialisation d’OX513A commencera dès la parution au Journal officiel de cet avis favorable et son enregistrement par l’agence de surveillance sanitaire, cette dernière ne pouvant ignorer la décision de la commission spécialisée. La dissémination des moustiques d’Oxitech pourrait donc débuter rapidement. D’autant que la biotech britannique dispose déjà d’une unité de production opérationnelle au Brésil. Espérons que ce succès brésilien lui permettra de communiquer davantage sur ses résultats.

(1) Harris AF et al. (2011) Nat Biotechnol 29, 1034-7
(2) Noisette C. (2014) Info’GM

OX513A mâle
© Oxitech

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