Accueil du site > AGROBIOTECH > Le génome du blé à portée de main

Le génome du blé à portée de main

vendredi 18 juillet 2014

par Agnès Vernet

L’International Wheat Genome Sequencing Consortium (IWGSC) livre ses premières données et la séquence complète du chromosome 3B, un aperçu du génome de Triticum æstivum, le blé tendre.

C’est l’aboutissement de 10 ans de travail compilés dans quatre articles. Ces résultats constituent les prémices de l’établissement d’un génome de référence du blé tendre, l’objectif final de l’IWGSC, un consortium qui regroupe des instituts de recherche publics – comme l’Inra, le ministère indien des Sciences et des Technologies ou le Conseil pour la recherche en biotechnologie et en sciences biologiques du Royaume-Uni – et des acteurs privés – comme Bayer Crop Science, Limagrain, Syngenta et Monsanto. La céréale rejoindrait ainsi le riz et le maïs dans l’ère biotechnologique. Si le blé accède si tardivement à la génomique, c’est à cause du défi scientifique qu’il représente. Le volume considérable des informations génétiques et leurs nombreuses répétitions à travers les 21 chromosomes ne permettent pas d’utiliser l’approche désormais classique de séquençage par shot gun, les dimensions du génome de T. æstivum rendant irréalisable l’assemblage de séquences obtenues aléatoirement.
Les chercheurs du consortium ont donc décidé d’optimiser les premières approches de la génomique : le séquençage de petits fragments d’ADN clonés dans des chromosomes artificiels bactériens (BAC), une technique qui a permis de produire le premier génome humain complet. Elle passe aujourd’hui par l’utilisation de séquenceurs de nouvelle génération et par la lecture simultanée de plusieurs BAC. Pour valider la méthode, les scientifiques se sont attaqués au chromosome 3B, le plus grand de T. æstivum et le plus facile à isoler par cytométrie de flux (1).
Forte de son expérience sur ce chromosome, c’est l’unité de Génétique, diversité et écophysiologie des céréales de l’Inra, en cotutelle avec l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, qui a dirigé ces travaux. Au Genoscope, à Évry, ses biologistes ont séquencé simultanément 8 452 chromosomes artificiels. Les séquences obtenues ont ensuite été assemblées grâce aux marques propres à chaque BAC, autre optimisation de la technique originale. L’ensemble révèle le détail de 774 mégabases contenant 5 326 gènes codant des protéines et 1 938 pseudogènes.
Le travail sur ce chromosome constitue un modèle pour l’obtention de la séquence de référence du génome complet de la céréale. Plutôt que de laisser chaque pays organiser sa part de labeur à sa manière, l’IWGSC veut initier un programme de recherche coordonné pour finaliser le génome à l’horizon 2017. Le coût total du projet serait estimé à 12 millions d’euros. Le consortium espère s’entendre avec la Wheat Initiative pour regrouper les différentes sources de financement possibles.
En attendant les données complètes, l’IWGSC présente une ébauche du génome de T. æstivum (2). Cette cartographie des 17 gigabases qui composent l’ADN de la céréale a permis d’identifier l’emplacement de 124 201 gènes le long des 21 chromosomes. Ce travail donne une vue globale de la dynamique du génome du blé tendre. Complexe, celui-ci est composé de trois sous-génomes – A, B et D – qui forment un génome hexaploïde – AABBDD. D’après cette ébauche de séquence, il n’existe pas de dominance transcriptionnelle entre les sous-génomes de T. æstivum.
Ces données permettent d’ores et déjà d’améliorer notre compréhension de la céréale. Les chercheurs du consortium ont ainsi conduit une analyse phylogénétique comparée sur les plus proches parents du blé tendre : T. monococcum, T. urartu, Ægilops sharonensis, Æ. speltoides et Æ. tauschii (3). Ils démontrent que les sous-génomes A et B ont divergé de l’ancêtre de T. æstivum il y a sept millions d’années. Ensemble, ils ont donné naissance au dernier élément du blé moderne, le sous-génome D, un ou deux millions d’années plus tard.
Ce monumental travail est complété par la publication d’un transcriptome du grain de blé tendre (4). Ces recherches identifient les mécanismes d’expression conjuguée de plusieurs gènes jouant sur la valeur nutritive de T. æstivum et sur le développement des endospermes. Un aperçu du potentiel économique des recherches sur cette céréale.

(1) Choulet F et al. (2014) Science, doi:10.1126/science.1249721
(2) IWGSC (2014) Science, doi:10.1126/science.1251788
(3) Marcussen T et al. (2014) Science, doi:10.1126/science.1250092
(4) Pfeifer M et al. (2014) Science, doi:10.1126/science.1250091

À lire aussi sur biofutur.com

- Mobilisation autour du blé
- Un problème de blé

T. æstivum.
© Inra/Hervé Cochard

SPIP Contact | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0 | mentions légales | logo Lavoisier logo facebook logo twitter Se connecter