De tous temps, les changements climatiques ont produit des gagnants, des espèces dont la population croît sous l’effet des modifications environnementales, et des perdants, qui s’affaiblissent et risquent parfois l’extinction. Mais le sens de ce changement seul – réchauffement ou glaciation – ne suffit pas à en prédire l’impact sur la biodiversité. Des recherches menées au sein de l’Université de Southampton, au Royaume-Uni, le démontrent en étudiant la diversité génétique du manchot Adélie (Pygoscelis Adeliæ), du manchot à jugulaire (P. Antarctica) et du manchot papou (P. papua).
Grâce à l’analyse des séquences de HVR1, une région hypervariable de l’ADN mitochondrial, ils sont remontés dans le temps, jusqu’à il y a environ 20 000 ans, lors du dernier maximum glaciaire, et ont estimé la structure des populations d’alors dont est issue la diversité génétique actuelle. Ce moment charnière, qui marque le début d’une hausse naturelle des températures, est associé à une augmentation des populations de manchots. La fonte des glaces a libéré l’accès à la mer et à des zones sans glace, indispensables respectivement à l’alimentation et à la reproduction.
Ce schéma n’est, en revanche, pas applicable à la situation actuelle. « Les manchots Adélie et à jugulaire semblent décliner à cause des changements climatiques autour de la péninsule Antarctique, ils deviennent des perdants », analyse Gemma Clucas, de l’Université de Southampton. Les manchots papous, eux, ne dépérissent pas aussi rapidement. La violence du choc climatique actuel semble expliquer ce paradoxe : le réchauffement très rapide des eaux polaires provoque une baisse des ressources marines, notamment de populations de crevettes dont dépendent les manchots Adélie et Chintrap. Les manchots papous s’appuient moins sur ces sources alimentaires. L’histoire ne se répète jamais, d’un réchauffement climatique à l’autre, les gagnants ne sont jamais garantis de le rester.
Clucas GV et al. (2014) Sci Rep 4, 5024
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P. Adeliæ.
© Tom Hart