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Les calmars mélomanes

mardi 28 août 2012

par Safi Douhi

Certains animaux marins sont capables de changer de couleur à volonté. Comment ? Réponse en musique.

Qu’il soit pigmentaire ou structural, le changement rapide de couleur est une faculté rare dans le monde animal. Lorsqu’il est d’ordre structural, on appelle ce phénomène iridescence (du grec iris, « arc-en-ciel », encore appelée goniochromie, du grec gonio, « angle », et chroma, « couleur »). Il repose sur la présence de nanostructures (iridophores) sur la peau, les ailes ou encore les écailles qui diffractent la lumière et ne reflètent alors que certaines couleurs. Si nombre d’animaux sont capables d’une seule coloration par iridescence, d’autres, comme le calmar, produisent plusieurs couleurs par ce biais, ce qui leur confère un avantage certain sur leurs prédateurs, celui d’un camouflage embarqué. Et pour cause, ces charmants céphalopodes possèdent à la fois des organes pigmentaires (chromatophores), qui produisent les différentes nuances de jaune, de rouge et de marron, et, juste en dessous, des iridophores, qui ajoutent le bleu, le vert et le rose au spectre de l’animal. Autant la coloration pigmentaire est-elle comprise, autant l’iridescence restait-elle un mystère. Des recherches ont bien montré qu’en présence d’acétylcholine (ACh), la peau des calmars change de couleur et d’intensité, mais tous les efforts pour stimuler nerveusement les iridophores et trouver la source endogène d’ACH chez ces animaux marins se sont soldés par des échecs.
Paloma Gonzalez-Bellido et Trevor Wardill, du Marine Biology Laboratory de Woods Hole, dans l’État américain du Massachusetts, ont mis au point, avec leurs collaborateurs de l’Université du Texas, une préparation neurophysiologique de leur cru qui leur a permis de suivre le réseau nerveux de l’espèce de calmar Doryteuthis pealeii et de démontrer que les changements brusques de couleur sont dus à la stimulation électrique de neurones présents dans la peau de l’animal, stimulation qui diminue la longueur d’onde de la lumière réfléchie et augmente de 245 % la capacité de réflexion des iridophores.
Les chercheurs ont également montré que l’ACh est libérée dans la couche d’iridophores de la peau et que ces structures sont directement reliées au système nerveux du calmar.
Mais les scientifiques sont loin d’avoir tout découvert. Le changement de couleur est, en effet, plus rapide que celui de la capacité de réflexion, ce qui indique deux mécanismes indépendants. En altérant légèrement leur préparation, les chercheurs ont montré que le mécanisme qui préside à la modification de la réflexion de la lumière est une condensation de protéines réfléchissantes. Quant à l’autre mécanisme, c’est encore un mystère...
En attendant de le découvrir, Paloma Gonzalez-Bellido, Trevor Wardill et leurs collaborateurs ont initié des cellules cutanées de D. pealeii à la musique, en utilisant comme stimulus électrique un iPod diffusant un morceau de Hip Hop. Le résultat est plutôt étonnant (vidéo ci-dessous). Verra-t-on bientôt des aquariums peuplés de calmars dans les boîtes de nuit ?

Wardill TJ et al. (2012) Proc R Soc B, doi:10.1098/rspb.2012.1374

Dans la photo ci-dessous, les nerfs (en rouge) peuvent être facilement suivis parmi les chromatophores et les iridophores qu’ils innervent.
© Wardill, Gonzalez-Bellido, Crook & Hanlon, Proceedings of the Royal Society B : Biological Sciences

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