Se montrer pour mieux se cacher. Tel semblait être la stratégie choisie par les Coccosphærales, un ordre de microalgues dont on ignore presque tout bien qu’elles soient tellement abondantes qu’elles peuvent être visibles depuis l’espace. Ces acteurs incontournables des cycles organiques marins dévoilent un peu de leur mystère grâce au séquençage du génome d’une souche d’Emiliana huxleyi. Un consortium international – regroupant des équipes d’organismes de recherche américains, allemands, belges, britanniques, chiliens, canadiens et français – s’est ainsi attelé à la tâche en analysant, par la méthode globale de Sanger, le génome complet de la souche CCMP1516 et des séquences partielles de 13 autres spécimens d’E. huxleyi.
Contrairement aux attentes, le génome d’E. huxleyi ne contient que quelque 147 mégabases, soit 20 fois moins que le nôtre. Il semble pourtant contenir plus de 30 000 gènes codant des protéines, soit un tiers de plus que notre espèce. Largement dominé par des séquences répétées, qui représentent au moins 64 % de l’ensemble, il se distingue de celui des diatomées, un autre groupe de microalgues. À partir de ces données, les chercheurs ont déjà identifié des séquences apparentées à des gènes d’autres algues eucaryotes impliqués dans le transport de macromolécules et de fer, les modifications post-traductionnelles, le développement du cytosquelette et la transduction de signaux.
La structure de ce génome est aussi une source de surprises. D’après la comparaison entre les différents spécimens, il semble organisé en « pangénome » : les 13 souches séquencées ne partagent qu’environ 75 % de leurs séquences, ce que l’on appelle le « génome-cœur », les 25 % restants, appelés « génome permutable », étant très variables. Cette découverte interroge les scientifiques sur la diversité d’un groupe que l’on croyait très homogène et révèle un potentiel adaptatif insoupçonné.
Read BA et al. (2013) Nature, doi:10.1038/nature12221
On reconnaît les Coccosphærales – ici E. huxleyi – à leur splendide microsquelette calcaire.
© Jeremy Young