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(Méga)zoom sur la photosynthèse en action

jeudi 10 juillet 2014

par Agnès Vernet

Grâce à la cristallographie séquentielle à haute fréquence, des chercheurs ont « filmé » les changements atomiques au cours de la photosynthèse.

Afin de percer les mystères de la photosynthèse, de nombreuses équipes ont cherché à pénétrer dans l’intimité du photosystème II (PSII), le complexe protéique situé sur la membrane des chloroplastes qui initie la photosynthèse. Au sein du PSII, un domaine concentre la curiosité des scientifiques : le complexe Z – ou Oxygen Evolving Complexe (OEC) – qui héberge la réaction d’oxydation de l’eau, indispensable à l’équilibre global de la catalyse. Les progrès de la cristallographie ont ainsi permis, en 2001, de découvrir la structure du PSII à une résolution de 3,8 Å. Puis, en 2011, de passer à la résolution de 1,9 Å afin de quasiment voir l’OEC à l’échelle atomique. Mais les dommages causés sur les protéines par les rayons X empêchaient encore la réalisation d’images séquentielles, indispensables pour reconstruire le mouvement de la réaction.
Un consortium international de chercheurs, incluant notamment l’Université d’Arizona à Tempe et le Centre pour la science des lasers à électrons libres d’Hambourg, en Allemagne, a surmonté cet obstacle en capturant des images à très haute fréquence avant la détérioration du complexe Z. Les images séquentielles ont été obtenues grâce au Linac Coherent Light Source, l’accélérateur linéaire de particules situé sur le campus de l’Université Stanford qui possède un laser rayon X à électrons libres. Cet appareil permet de capturer des images à l’échelle atomique (environ 5 Å), avec une fréquence de l’ordre de la femtoseconde (10-15s). Les scientifiques ont soumis des cristaux nanométriques du PSII de cyanobactérie photosynthétique Thermosynechococcus elongatus à cette technique de cristallographie haute fréquence. Grâce à l’activation de l’OEC par le laser, les chercheurs ont mis en évidence la modification de conformation du complexe, qui reçoit les électrons libérés par l’oxydation de l’eau et les délivre un par un au cours de la photosynthèse. Une modification d’une ampleur inattendue : « ces changements sont tellement importants qu’ils constituent un changement global de structure et impactent la dimension des petites unités qui forment le cristal », explique Petra Fromme, qui dirige le Département de chimie et biochimie de l’Université d’Arizona.
En délivrant une image dynamique des réactions atomiques sous-jacentes à la photosynthèse, ces travaux offrent un point de vue nouveau sur le phénomène. « Si vous êtes capable d’observer toutes les étapes d’une catalyse, vous êtes peut-être en mesure de l’optimiser », rêve déjà Petra Fromme. La photosynthèse artificielle, que les fabricants de panneaux solaires appellent de tous leurs vœux, pourrait bien être à portée de laser. Mais avant de toucher ce graal de la biochimie, les chercheurs devront améliorer la résolution de leur film. Ils comptent sur la mise en service du nouveau laser rayon X à électrons libres développé à Hambourg par le projet européen XFEL – qui devrait être totalement opérationnel en 2017 – pour permettre ce saut technologique.

Kupitz C et al. (2014) Nature, doi:10.1038/nature13453

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Au sein du PSII, le complexe Z passe par cinq étapes pour recevoir et délivrer les électrons issus de l’oxydation de l’eau. Les chercheurs révèlent un changement de conformation entre S1 et S3.
© Shibom Basu/Arizona State University

Les cinq stades du complexe Z

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