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Microbataille navale

jeudi 14 février 2013

par Safi Douhi

Deux micro-organismes marins parmi les plus répandus de la planète se livrent une guerre secrète depuis des centaines de millions d’années.

SAR11 est l’organisme le plus répandu dans les océans. L’extraordinaire prédominance de cette bactérie au rôle majeur dans le cycle du carbone est une énigme pour les chercheurs qui rivalisent de théories pour expliquer son invulnérabilité. Sa petite taille et sa vaste dispersion étaient, jusque-là, les deux raisons plausibles. Jusque-là car des chercheurs de l’Université de l’Oregon, de l’Université du Wisconsin-Madison, de l’Université de Californie à San Diego et de l’Université d’Arizona ont découvert que SAR11 n’échappe à aucune règle et a donc bien des "prédateurs".
Il s’agit de quatre bactériophages, baptisés "pélagiphage" par les chercheurs (du latin pelagicus, relatif à la haute mer), des virus infectant les bactéries appartenant, pour trois d’entre eux – HTVC011P, HTVC019P et HTVC010P –, à la famille des Podoviridae, le dernier, avec sa structure caudale contractile, appartenant à celle des Myoviridae. Une classification d’ailleurs confirmée par le séquençage du génome des quatre pélagiphages.
Une analyse métagénomique de prélèvements marins, effectués le long de la côte de l’Oregon et aux Bermudes, a révélé l’abondance de ces génomes viraux dans les océans, en particulier du pélagiphage HTVC010P. D’après les résultats des analyses, cette sous-famille de virus pourrait être une des plus nombreuses de la biosphère terrestre.
Cette découverte réfute donc la supposée invulnérabilité de SAR11 aux infections virales, dont l’explication ne reposait que sur la surabondance de la bactérie. Ses prédateurs se révèlent d’ailleurs tout aussi abondants. En plus de la découverte de ses prédateurs, ces travaux ont permis de montrer que SAR11 est une bactérie compétitive, très efficace pour dénicher et métaboliser le carbone organique (CO2), ainsi que pour muter afin d’éviter l’infection. Grâce à cette stratégie, elle prospère... même si plusieurs millions d’individus sont tués chaque seconde par les pélagiphages.

Zhao Y et al. (2013) Nature, doi:10.1038/nature11921

Une bactérie SAR11 infectée par le pélagiphage HTVC011P.
© Oregon State University

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