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Mode d’emploi pour découvrir une nouvelle espèce

jeudi 7 août 2014

par Agnès Vernet

La découverte du dauphin à bosse australien illustre l’importance et les difficultés de la taxonomie pour la conservation des espèces.

L’inscription d’une nouvelle espèce au répertoire des connaissances humaines n’est pas un acte rare : en 2013, 18 000 nouvelles espèces ont été découvertes selon le SUNY-ESF International Institute for Species Exploration. En moyenne, ce sont 25 nouveaux mammifères qui sont ainsi décrits chaque année (1). La découverte d’un grand mammifère reste néanmoins un événement exceptionnel. Le travail de Thomas Jefferson et de Howard Rosenbaum, de la Wildlife Conservation Society – une organisation non gouvernementale internationale qui œuvre pour la protection de la nature –, qui décrit une espèce australienne de dauphin à bosse, est à ce titre remarquable (2).
Cette découverte s’appuie sur différents niveaux d’observation : morphologie du squelette, morphologie externe, couleur, génétique moléculaire, biogéographie. À l’origine, des anomalies biologiques moléculaires sont mise en évidence par les chercheurs à partir de 1997. À cette époque, les scientifiques s’affrontent pour savoir s’il existe une ou plusieurs espèces de dauphins à bosse, réunies au sein du genre Sousa. La poursuite des explorations a permis d’en nommer trois – S. teuszii, S. chinensis et S. plumbea – sans pour autant résoudre réellement le problème taxonomique. L’analyse d’échantillons d’ADN mitochondrial et nucléaire, et de plusieurs biomarqueurs moléculaires suggérait fortement l’existence d’une espèce australienne distincte. En compilant des données issues de plusieurs études, Thomas Jefferson et Howard Rosenbaum ont identifié S. sahulensis, un dauphin à bosse vivant dans les eaux au nord de l’Australie et au large de la Nouvelle-Guinée, sur la plateforme continentale Sahul qui lui donne son nom. Gris foncé, il est reconnaissable grâce à une nageoire dorsale large à sa base et à l’absence de bosse dorsale.
En plus de la caractérisation d’une nouvelle espèce, cette méta-analyse caractérise le taxon dans son ensemble. Elle montre que les variations morphologiques ne sont pas les critères les plus discriminants au sein du genre, à l’exception du nombre de dents, de la forme du crâne et du développement de l’aileron dorsal. Une convergence que les biologistes imaginent liée à la similarité des milieux dans lesquels évoluent les ces mammifères.
On distingue ainsi S. teuszii, qui vit à proximité des côtes ouest de l’Afrique et possède une coloration grise ainsi qu’une bosse dorsale, son cousin indo-pacifique le dauphin blanc de Chine (S. chinensis), qui exhibe une large nageoire dorsale et une couleur blanche caractéristique et qui nage au large de l’Inde et de l’Asie du Sud-Est, et S. plumbea, qui vit dans la partie ouest de l’océan Indien, doté d’une bosse dorsale, d’un crâne assez long – jusqu’à plus de 37 centimètres – et d’une couleur tendant vers un brun gris.
Au vu des faibles effectifs de cétacés, cette résolution de la taxonomie des dauphins à bosse a dû s’appuyer sur toutes les données existantes. La classification des espèces est un outil essentiel pour les programmes de conservation et on comprend qu’à peine caractérisés, ces dauphins sont menacés. Ils partagent leur habitat avec des flottes commerciales de plus en plus nombreuses et les côtes sont soumises à de rapides changements, tant à cause de l’urbanisation que des changements climatiques.

(1) Global Biodiversity - Status of the Earth’s Living Resources (1992) World Conservation Monitoring Center, ISBN 0-412-47240-6
(2) Jefferson T, Rosenbaum H (2014) Mar Mamm Sci, doi:10.1111/mms.12152

Ci-dessous : les quatre dauphins à bosse.
© U. Gorter

S. sahulensis.
© RL Pitman

Les quatre dauphins à bosse © U Gorter

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