Petit génome mais grand potentiel

Outre les puits, d’où elle peut s’avérer difficile à déloger, la grande lentille d’eau (Spirodela polyrhiza) pourrait bientôt envahir les laboratoires. Son analyse génomique complète révèle que la lenticule aux nombreuses racines a aussi de nombreuses facettes inexploitées. Du haut de ses 158 mégabases codant a priori seulement 19 623 gènes – soit environ 28 % de moins qu’Arabidopsis thaliana –, la Lemnaceæ présente un des plus hauts taux de croissance du règne végétal. Un caractère qu’elle doit à un équilibre génomique étonnant : beaucoup des gènes impliqués dans la fabrication de ses parois cellulaires – liée à la lignine, à la cellulose ou encore aux α-expansines – sont manquants. Et ceux qui restent sont présents en un faible nombre de copies. En revanche, les gènes à l’origine de la synthèse de l’amidon et du métabolisme azoté sont plus nombreux que chez la plupart des autres plantes. Ces caractéristiques génomiques soutiennent l’aptitude de S. polyrhiza au traitement des eaux usées.
Malgré tout, ces recherches ne permettent pas d’élucider un particularisme anatomique bien connu chez ces lentilles d’eau : les plantes adultes conservent des caractéristiques juvéniles, un phénomène appelé « néoténie ». S. polyrhiza ne produit ainsi que des cotylédons, une forme germinale de feuilles, sans jamais développer de forme mature. À partir de ces données génomiques, les chercheurs estiment qu’il pourrait s’agir d’une architecture héritée de leur ancêtre Araceæ plus que d’un défaut de maturation.
En résumé, voici une plante à croissance rapide, avec un taux de lignine très bas et une production importante d’amidon… Autant d’éléments très prisés par l’industrie des biocarburants. Gageons qu’avec la publication de son génome complet, la grande lentille d’eau sera l’objet de nouvelles attentions.

Wang W et al. (2014) Nat Commun 5, 3311

S. polyrhiza
© Wenquin Wang