Portrait de l’ancêtre des mammifères placentaires

En paléobiologie, la question de l’origine des mammifères est réputée pour être controversée. D’un côté, les paléontologistes, qui travaillent à partir des fossiles et étudient l’évolution des caractères morphologiques, estiment que les mammifères descendent d’un ancêtre commun apparu peu après le passage du Crétacé au Paléocène, il y a 66 à 65 millions d’années (Ma), passage qui signe la disparition des dinosaures. De l’autre, les paléogénéticiens, en s’appuyant sur l’ADN des animaux modernes et des fossiles récents, considèrent, depuis les années 1990, que l’apparition de l’ancêtre commun est plus ancienne et daterait du Mésozoïque, il y a environ 100 Ma. Leur modèle suggère que les mammifères placentaires et les dinosaures auraient cohabité avant la grande extinction à laquelle l’ancêtre mammifère aurait survécu.
Un consortium nord-américain se propose de répondre à cette question. Leur arbre phylogénique indique que l’origine des mammifères est postérieure à la grande extinction et pèse en faveur de l’hypothèse d’une émergence des mammifères placentaires suite à l’extinction massive qui mit un terme au Crétacé. Depuis six ans, cette communauté de chercheurs travaille sur l’élaboration d’un arbre de la vie combinant données génétiques et informations morphologiques. Pour chaque branche, des marqueurs génomiques de 86 espèces de mammifères actuels ont été intégrés dans une matrice. Afin d’équilibrer les deux types d’informations, il a fallu recueillir 4 500 caractères morphologiques de ces espèces modernes associés à ceux issus de 40 fossiles. En cela, ce projet a permis de constituer la plus importante base de données jamais construite sur l’évolution des mammifères placentaires.
En plus de dater l’apparition de ces derniers, ces informations ont permis d’imaginer une représentation hypothétique de l’ancêtre commun. Il s’agirait d’un petit insectivore de 6 à 245 grammes, grimpant et pourvu d’un cortex comprenant un corps calleux.
Cet arbre soulève aussi des interrogations sur l’évolution de certains sous-groupes. Les animaux du groupe des Afrothériens – comme les éléphants ou les oryctéropes du Cap – ne seraient ainsi pas nés sur le continent Africain mais sur le continent Américain, avant de migrer en Afrique au cours du Paléocène.
Cette arbre n’est qu’une étape d’un projet financé par l’Académie américaine des Sciences : AToL pour Assembling the Tree of Life dont l’ambition est de reconstruire l’arbre phylogénique de tous les organismes vivants. Poissons, gymnospermes ou champignons bénéficient aussi de ces fonds.

O’Leary MA et al. (2013) Science 339, 662-7

Représentation artistique de l’ancêtre des mammifères placentaires
© avec l’aimable autorisation de Carl Buell