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Se reproduire sans sexe

vendredi 26 juillet 2013

par Safi Douhi

À de rares exceptions près, on pensait la reproduction chez les animaux exclusivement sexuée. Un rotifère prouve le contraire.

Avant la découverte d’espèces d’insectes, de poissons, de lézards et de serpents capables de se reproduire par parthénogenèse – une forme de duplication –, une lignée animale se reproduisant de façon asexuée était considérée comme un cul-de-sac évolutif, une branche jeune sans avenir. Pourtant, les animaux cités plus haut sont présents depuis des millions d’années et ne semblent pas prêts de disparaître. Et pour cause, toutes ces espèces renferment quand même des individus mâles et femelles, la parthénogenèse n’étant pas leur mode principal de reproduction. Les lois de la biologie restaient donc inviolées... Sauf dans une ramification de la branche des animaux multicellulaires (métazoaires) : celle des bdelloïdes.
Ces rotifères d’au mieux quelques millimètres, présents sur la Terre depuis plusieurs dizaines de millions d’années – une prouesse pour des culs-de-sacs évolutifs ! –, sont la source d’une controverse dans la communauté scientifique quant à la possibilité d’une reproduction asexuée chez les animaux. Aucun organe sexuel mâle n’a été observé chez eux, pas plus d’ailleurs que de méiose, les ovocytes se formant par simple mitose, sans réduction du nombre de chromosomes. Après des décennies, cette controverse est sur le point de prendre fin. Car une équipe internationale – regroupant notamment des chercheurs de l’université belge de Namur, du Genoscope et de l’Université d’Évry, du CNRS, de l’Inra ou encore de l’Université de Nice Sophia-Antipolis – vient de démontrer que la structure du génome d’un représentant de ce phylum (Adineta vaga) est tout simplement incompatible avec la méiose.
Le génome d’A. vaga comporte, en effet, de nombreux segments dupliqués et des régions porteuses d’allèles, moins divergentes. Ces régions peuvent même se retrouver sur un même chromosome, qui porte alors plusieurs versions d’un même gène. Une conformation interdisant, de fait, l’appariement des chromosomes homologues avant leur séparation dans deux gamètes distincts.
Reste à expliquer la diversité génétique de ces organismes, qui semble elle aussi impossible dans ces conditions. Les chercheurs ont découvert la présence d’abondantes conversions géniques, soit le remplacement d’une séquence d’ADN par une autre, apparentée. Ce qui permet de limiter l’apparition de mutations délétères en l’absence de méiose. Leurs résultats montrent, de plus, que près de 8 % des gènes d’A. vaga viennent d’échanges horizontaux avec des bactéries, des champignons ou des plantes. Une convergence évolutive qui offre un éclairage nouveau sur la reproduction.

Flot J-F et al. (2013) Nature, doi:10.1038/nature12326

Le bdelloïde Habrotrocha rosa.
© Rkitko/CC-BY-SA-3.0, via Wikimedia Commons

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