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Supervirus grippal, une recherche d’intérêt public ?

vendredi 9 août 2013

par Agnès Vernet

Des souches pandémiques de H7N9 vont être développées. L’objectif n’est pas terroriste mais sanitaire.

Ils l’ont annoncé mercredi 7 août, par une lettre publiée conjointement dans les revues Nature et Science : 22 chercheurs, en Asie, aux États-Unis et en Europe, vont rechercher toutes les mutations qui permettraient de transformer le virus grippal H7N9 en agent d’une pandémie mortelle. Loin d’être inoffensif, cette grippe A d’origine aviaire a à son actif 134 cas humains répertoriés, dont 43 décès, depuis la fin du mois de mars 2013. Les foyers semblent aujourd’hui contrôlés mais le virus circule toujours au sein des populations d’oiseaux. La menace persiste. Pour anticiper l’évolution du virus, ce consortium a choisi une approche radicale : induire en laboratoire les mutations les plus dangereuses et mesurer leur impact réel, du moins sur des modèles in vitro et animaux. Il existe une antériorité sur cette stratégie : en 2011, plusieurs groupes de recherche déjà emmenés par Ron Fouchier avaient produit un « super H5N1 ». Leurs résultats, estimés trop sensibles par les autorités américaines, avaient échappé de peu à une interdiction de publication.
Mais les recherches de 2013 ont tiré les leçons du passé. D’une part, la biosécurité est devenu un sujet à part entière et s’est enrichie de recommandations de l’Organisation ondiale de la santé. D’autre part, le consortium international sur H7N9 bénéficie d’un financement du ministère américain de la Santé (US Department of Health and Human Services), l’Oncle Sam se garantissant ainsi un droit de regard sur les projets qui seront menés.
Ces recherches, dites « gain of function » – en référence aux mutations dont le produit permet à l’organisme d’acquérir de nouvelles fonctions –, porteront sur plusieurs axes :

  • l’immunogénicité, afin d’identifier les modifications génétiques qui pourraient altérer la virulence, la transmission ou l’antigénicité du virus et ainsi mettre en péril le développement d’éventuels vaccins ;
  • l’adaptation aux mammifères, pour défricher les différentes voies d’évolution et d’échanges génétiques avec des variants susceptibles d’aider H7N9 à circuler plus facilement dans les populations mammifères ;
  • la résistance aux antiviraux : des souches de H7N9 résistantes aux principales mesures antigrippales ayant déjà été isolées, comprendre les mutations impliquées dans ce phénomène permettra de mieux adapter les options thérapeutiques ;
  • la transmission, car mesurer un potentiel pandémique, c’est avant tout comprendre comment un virus passe d’un individu ou d’une espèce à l’autre et donc peut s’appuyer sur des foyers animaux pour diffuser ;
  • la pathogénicité, pour identifier les mécanismes moléculaires améliorant la dangerosité clinique du virus. Une attention très particulière sera portée à l’hémagglutinine, une glycoprotéine antigénique virale indispensable à la réplication efficace du virus dans les cellules mammifères.

Ces expériences devraient être menées dans des conditions de sécurité extrêmement draconiennes. Le risque de détournement malveillant est donc infime. En revanche, elles permettront de donner un peu d’avance aux autorités sanitaires sur la nature, en isolant les évolutions les plus dangereuses. Les premières données devraient être communiquées rapidement, les virologues craignant une résurgence du virus à la faveur de l’hiver.

Fouchier RAM et al. (2013) Nature 500, 150-1
Fouchier RAM et al. (2013) Science 341, 612-3

Plusieurs cas de transmission interhumaine de H7N9 auraient été démontrés.
Pour en savoir plus : Information Hospitalière

Particules virales de H7N9
© avec l’aimable autorisation de Takeshi Noda/University of Tokyo

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