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SynIII, un chromosome eucaryote synthétique

vendredi 28 mars 2014

par Agnès Vernet

Un consortium international a conçu le premier chromosome artificiel de levure, un premier pas vers le génome eucaryote synthétique.

Après son pendant procaryote (1), la course au génome eucaryote artificiel est lancée. Et le projet international Synthetic Yeast 2.0 semble en bonne position pour la gagner avec la présentation du premier chromosome eucaryote synthétique (2). Les chercheurs, appartenant notamment à l’Université Johns Hopkins de Baltimore, ont construit synIII, un chromosome artificiel basé sur le chromosome III de la levure Saccharomyces cerevisiæ, le troisième plus petit chromosome de la levure, qui possède tout de même 316 617 paires de bases. Son petit frère de synthèse mesure, lui, 272 871 paires de bases.
Cette différence s’explique par le grand nombre de modifications réalisées par les chercheurs : le remplacement les codons STOP TGA par TAA – ce qui facilite l’expansion du génome in vivo –, la délétion de régions non essentielles – comme les introns, les régions sub-télomériques ou les ARNt – ou susceptibles de déstabiliser la séquence – comme les rétrotransposons –, la suppression d’un mécanisme impliqué dans l’accouplement des spores et la formation de nouvelles cellules diploïdes – ce qui maintient les cellules à l’état haploïde – et l’ajout d’un système de recombinaison in vivo afin de pouvoir supprimer à la demande des gènes. La séquence a d’abord été conçue in silico avant d’être produite in vitro sous forme de « briques », des morceaux de séquence. Ces unités s’assemblent et remplacent le chromosome natif in vivo pour former synIII.
Une fois introduit dans S. cerevisiæ, le chromosome artificiel ne perturbe ni la croissance de la levure, ni son profil transcriptionnel. Grâce au système de recombinaison in vivo, les chercheurs peuvent évaluer les interactions létales, c’est-à-dire rechercher des associations de gènes qui, lorsqu’ils sont supprimés ensemble, perturbent mortellement le métabolisme de la levure quand la délétion d’un seul n’engage pas son pronostic vital. Ce premier chromosome synthétique démontre que les limites du design génomique sont encore loin. Rien ne semble aujourd’hui pouvoir empêcher la conception, dans un futur proche, de levures entièrement synthétiques destinées à la production de molécules complexes utiles en chimie ou en médecine.

(1) Gibson DG et al. (2008) Science 319, 1215-20
(2) Annaluru N et al. (2014) Science, doi:10.1126/science.1249252
SynIII
© Lucy Reading-Ikkanda

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