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Touche pas à mon corail !

mardi 13 novembre 2012

par Agnès Vernet

À l’appel chimique du corail, des poissons s’attaquent à une algue toxique pour ce dernier. Un bel exemple de solidarité marine.

Attaqués par des algues toxiques, les coraux ne se laissent pas faire. Ils appellent à la rescousse des poissons « gardes du corps ». En effet, des chercheurs de l’Institut de technologie de Géorgie, à Atlanta aux États-Unis, ont découvert que des poissons mutualistes répondent à un signal chimique émis par les coraux (1). Danielle Dixson et Mark Hay se sont intéressés au corail commun Acropora nasuta. Ils se sont aperçus que les récifs abritant certaines espèces de poissons sont nettement moins touchées par les atteintes de l’algue toxique Chlorodesmis fastigiata que ceux qui n’ont pas ces hôtes.
En laboratoire, ils ont mis en contact le corail et l’algue, avec ou sans la présence de deux espèces de poissons herbivores ventouses, Gobidon histrio et Paragobidon enchinocephalus. Lorsque les poissons étaient présents, la quantité d’algue déclinait de 30 % et les atteintes du corail de 70 à 80 % comparées aux colonies de A. nasuta dépourvues de G. histrio et P. enchinocephalus.
En pratique, G. histrio et P. enchinocephalus commencent à tailler les filaments toxiques de C. fastigiata quelques minutes à peine après le contact entre les coraux et l’algue. D’après les auteurs, A. nasuta émet une « odeur » au contact de l’algue ou de ses émissions chimiques. Les « gardes du corps » perçoivent cette alarme et la suivent pour identifier le lieu de l’attaque. Véritables petits soldats, les poissons travaillent vite et éloignent soigneusement le poison végétal des coraux. G. histrio ingère C. fastigiata quand P. enchinocephalus se contente de la couper et de la recracher. En récompense, les deux espèces de poissons s’alimentent grâce au mucus spécifiques des coraux ou d’autres végétaux à la base des récifs.
Pour comprendre comment agit « l’odeur », les chercheurs ont prélevé de l’eau de mer à proximité du point de contact entre A. nasuta et C. fastigiata. Cette eau permet d’éloigner 17 à 19 sur 20 ventouses du récif qui les abritent en les attirant vers le lieu de dépôt de l’eau contenant « l’odeur ».
Tout comme la coévolution du système mutualiste décrit dans les années 1960, où des fourmis protègent les acacias qui les hébergent en Amérique centrale (2), ces poissons protègent leur habitat et leur garde-manger. Mais le signal émis par les coraux évoque aussi le phénomène des « plantes criant à l’aide » (défense indirecte) qui permet à certains végétaux d’attirer les prédateurs directs d’insectes herbivores s’attaquant à eux (3).

(1) Dixson DL & Hay ME (2012) Science 338, 804-7
(2) Janzen DH (1966) Evolution 20, 249-75
(3) Dicke M (2009) Plant Cell Environ 32, 654-65

Gobidon histrio avance dans le récif pour tailler l’algue toxique Chlorodesmis fastigiata.
© Avec l’aimable autorisation de Danielle Dixson

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