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Paludisme : un gène pour faire sauter la résistance à l’artémisinine

jeudi 19 décembre 2013

par Agnès Vernet

La découverte d’une mutation liée à la résistance des parasites responsables du paludisme à l’artémisinine suscite de nouveaux espoirs dans la lutte contre la maladie.

L’efficacité de l’artémisinine est menacée depuis une dizaine d’années par l’émergence de souches de Plasmodium falciparum résistantes à cet antipaludique dans l’ouest du Cambodge. Le traitement n’est plus efficace en deux jours, comme avec des parasites sensibles, mais nécessite cinq jours, quand il n’est pas simplement inefficace sur les symptômes. Très préoccupante, cette situation fait l’objet d’un engagement important de la communauté scientifique, portée par l’Organisation mondiale de la santé, sans que des progrès clairs aient émergé, que ce soit sur la compréhension des mécanismes moléculaires en jeu ou sur l’élaboration de stratégies alternatives sûres et efficaces. La donne vient de changer.
Des chercheurs des Instituts Pasteur de Paris et du Cambodge, en collaboration avec le CNRS et les National Institutes of Health américains, ont identifié un marqueur moléculaire de la résistance à l’artémisinine. Pour cela, ils ont cultivé un parasite originaire d’Afrique initialement sensible à l’antipaludique. En le soumettant par intermittence au traitement, ils ont constitué une lignée résistante. Une étape qui a nécessité cinq ans de travail. Puis il a fallu séquencer entièrement le génome des parasites résistants et les comparer à celui d’une culture parallèle non exposée à l’artémisinine. Les chercheurs ont ainsi isolé huit polymorphismes nucléotidiques simples, localisés dans sept gènes et spécifiques de la lignée résistante. Une seconde comparaison avec des P. falciparum plus ou moins résistants prélevés au Cambodge a permis d’identifier le gène K13, dont la mutation joue un rôle majeur dans la résistance à l’antipaludique. Situé sur le chromosome 13 du parasite, K13 code une protéine en hélices impliquée notamment dans des interactions protéine-protéine. L’importance de cette mutation est d’ailleurs vérifiée par des études écologiques dans lesquelles la fréquence de l’allèle muté dominant est parfaitement corrélée avec la résistance à l’artémisinine.
S’il est encore trop tôt pour tout imputer à ce seul gène, une simple transgenèse devrait rapidement démontrer si sa mutation est suffisante pour conférer une résistance à l’artémisinine. La communauté scientifique pourra alors développer des systèmes rapides de détection des souches résistantes et améliorer leur suivi épidémiologique.
Cette découverte est aussi un premier pas indispensable vers l’élucidation moléculaire du mécanisme de résistance du parasite, donc vers de nouvelles solutions thérapeutiques.

Ariey F et al. (2013) Nature, doi:10.1038/nature12876

P. falciparum dans un échantillon de sang
© MichaelZahniser via Wikimedia Commons

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