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Une bactérie antipaludique

samedi 14 juillet 2012

par Safi Douhi

Combattre le parasite responsable du paludisme avec une bactérie commensale du moustique qui le transmet, telle est l’idée géniale d’une équipe américaine pour combattre la maladie.

Plasmodium falciparum, une des variantes humaines du parasite responsable du paludisme, est transmis par certains moustiques du genre Anopheles. On connaît aujourd’hui tout ou presque sur ces deux protagonistes mais la variabilité génétique du parasite est telle que celui-ci parvient toujours à résister aux traitements qui ont été développés pour le combattre. Alors on tente le tout pour le tout, de la démoustication massive à la libération d’insectes rendus génétiquement stériles. Mais le mal est toujours là. Et en 2010, il touchait encore 216 millions de personnes, faisant près de 665 000 victimes dont 86 % d’enfants de moins de 5 ans.
L’équipe de Sibao Wang, de la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health de Baltimore, aux États-Unis, a peut-être trouvé un moyen d’endiguer cette pandémie en empêchant le moustique d’être infecté par le parasite. Lui et ses collaborateurs se sont penchés sur la possibilité d’utiliser une bactérie commensale trouvée dans la vacuole digestive (l’équivalent de l’estomac) du moustique vecteur comme cheval de Troie. C’est en effet au cours des étapes de son développement intervenant dans l’appareil digestif de l’insecte que P. falciparum est le plus vulnérable. Les chercheurs ont donc génétiquement modifié la bactérie Pantoea agglomerans en lui ajoutant le système de sécrétion de l’hémolysine A d’Escherichia coli en vue de lui faire produire et sécréter tout un panel de protéines antiplasmodiques. Résultat, les bactéries symbiotiques ainsi transformées se sont révélées capables d’inhiber jusqu’à 98 % (maximal obtenu avec deux peptides, la scorpine et l’(EPIP)4*) le développement de P. falciparum et de son pendant murin P. berghei dans l’intestin d’Anopheles gambiae et d’A. stephensi, respectivement responsables de la transmission du parasite à l’homme et aux rongeurs. La proportion de moustiques infectés a elle aussi diminué de 84 % grâce à ces deux molécules. Ces travaux de biologie synthétique sont peut-être les premiers pas vers une éradication d’un des plus grands fléaux de l’humanité.

* Quatre copies du Plasmodiumenolase–plasminogen interaction peptide, qui empêche la fixation du plasminogène (protéine du plasma) à la surface de l’ookinète (une des phases du développement du parasite)

Wang S et al. (2012) Proc Natl Acad Sci USA,
doi:10.1073/pnas.1204158109

© Johns Hopkins Malaria Research Institute
[CC-BY-2.5], via Wikimedia Commons

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