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Une conservation en pleine transformation

mardi 27 mai 2014

par Agnès Vernet

Des chercheurs veulent garder des primates en captivité pour tester des vaccins destinés aux animaux sauvages. Attention, virage conceptuel.

Nos cousins les grands singes sont victimes de nombreux maux d’origine humaine. Déforestations, destructions de leur habitat, braconnage mais aussi virus humains déciment leurs populations. Parmi les chimpanzés et les gorilles vivant à proximité des hommes, la moitié des décès sont attribués à des virus respiratoires humains. En 2007, un tiers de la population mondiale de gorilles avait succombé à une épidémie de virus Ebola. Face à cette catastrophe sanitaire, des chercheurs de l’université britannique de Cambridge, de l’université de Louisiane à Lafayette, aux États-Unis, et de l’Institut de l’armée américaine pour la recherche médicale plaident pour le développement de programmes de vaccination de ces animaux sauvages menacés d’extinction.
La complexité des plans de développement et d’évaluation des produits de santé destinés à l’homme provoque l’abandon de nombreux programmes cliniques prometteurs, faute de soutien financier. Des vaccins écartés de la santé humaine peuvent ainsi être convertis pour une utilisation vétérinaire à moindre frais. Le groupe de chercheurs, conduit par Peter Walsh, de Cambridge, s’est ainsi associé à la biotech américaine Integrated BioTherapeutic pour évaluer un candidat vaccin contre le virus Ebola. De type « virus-like particule », il ne contient pas de virus complet mais un fragment d’une protéine d’enveloppe virale. Il ne présente donc théoriquement aucun danger. Néanmoins, la sécurité des animaux sauvages prime et les chercheurs ont démontré – avec succès ! – l’immunogénicité et l’innocuité du vaccin sur six chimpanzés vivant en captivité.
Cette étude – unique – de vaccination de singes captifs afin d’évaluer l’efficacité d’un programme de vaccination chez des animaux sauvages pourrait pourtant être la dernière du genre. Les États-Unis constituent le seul pays développé à autoriser les essais biomédicaux chez les grands singes mais leur interdiction est actuellement discutée au sein du Service de la pêche et de la faune sauvage. Les scientifiques plaident ainsi pour le maintien en captivité, dans des conditions « humaines », de chimpanzés, afin de permettre les recherches liées à la conservation des animaux sauvages.
Ces travaux marquent un tournant pour la conservation animale. La logique prédominante s’attachait jusqu’alors à protéger « le Jardin d’Eden » des méthodes de la médecine humaine. Mais « nous avons mis fin à cet Eden en détruisant les habitats et en répandant nos maladies », se désole Peter Walsh. En proposant de vacciner des animaux sauvages, il crée une véritable rupture avec l’attitude non interventionniste traditionnelle. Un changement radical d’orientation qui traduit l’urgence dans laquelle se trouvent ces animaux menacés d’extinction.

Warfield KJ et al. (2014) Proc Natl Acad Sci USA, doi:10.1073/pnas.1316902111

© avec l’aimable autorisation de Jeremy Breaux

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