Une renaissance après 400 ans dans la glace

Le retrait des glaciers est un phénomène inquiétant. Mais il donne aussi l’occasion d’étudier le potentiel de résilience d’organismes ayant plusieurs centaines d’années. Des botanistes de l’université canadienne d’Alberta ont ainsi mis au jour des spécimens de bryophytes libérés du glacier Teardrop de l’Île Ellesmere, dans l’Archipel arctique canadien. Ces algues vertes de la classe Charophyceæ sont réputées pour être génétiquement proches des premiers végétaux complexes. D’après la datation au carbone¹⁴, les spécimens prélevés au pieds du glacier sont âgés d’au moins 400 ans. Ils auraient donc été piégés par la glace au cours du petit âge glaciaire, entre les années 1550 et 1850. Pas moins de 60 espèces différentes ont été répertoriées, parmi lesquelles les chercheurs ont notamment identifié Aulacomnium turgidum, Distichium capillaceum, Encalypta procera ou encore Syntrichia ruralis.
Plus étonnant encore, lors de leur prélèvement, les plantes présentaient des signes de retour à la vie. Les botanistes ont remarqué que certains individus possèdent des extrémités vertes ou des branches latérales suggérant une renaissance. Que ce soit sur le terrain ou en laboratoire, des cellules de bryophyte ont, en effet, évolué jusqu’à un état méristématique – équivalent végétal des cellules souches –, puis ont produit de nouvelles plantes. Ces recherches démontrent la capacité de totipotence des bryophytes et illustrent les potentielles ressources du vivant pour recoloniser des écosystèmes polaires au cours d’une période de réchauffement. Ces algues ont définitivement beaucoup de choses à nous apprendre en terme de survie.

La Farge C et al. (2013) Proc Natl Acad Sci USA,
10.1073/pnas.1304199110

Culture in vitro de A. turgidum générée à partir des échantillons issus du glacier Teardrop.
© avec l’aimable autorisation de Catherine La Farge