Accueil du site > MEDTECH > Vers la panacée antigrippale

Vers la panacée antigrippale

mardi 14 août 2012

par Agnès Vernet

Des chercheurs ont identifié des anticorps humains neutralisant toutes des souches de la grippe B. Parmi eux, CR9114 reconnaît aussi la grippe A.

Véritable fantasme de la virologie grippale, l’anticorps universel contre les virus de la grippe se précise. Un consortium international a publié dans Science la caractérisation d’un anticorps reconnaissant à la fois tous les virus de la grippe B et ceux de la grippe A (1). Malgré la très grande variabilité des virus influenza, Cyrille Dreyfus, du Scripps Research Institute de La Jolla, en Californie, et ses collaborateurs ont mis la pipette sur un anticorps spécifique d’un épitope conservé entre les deux familles de grippe. Ce consortium est déjà à l’origine d’une publication à propos d’anticorps reconnaissant de grands groupes de virus dans la famille de la grippe A (2). C’est en reproduisant cette démarche avec les virus B qu’ils ont trouvé CR9114, un anticorps presque universel.
Pour cela l’équipe de Cyrille Dreyfus a travaillé sur une banque de fragments d’anticorps générée à partir des lymphocytes issus de volontaires récemment vaccinés contre la grippe. Cette collection a été criblée par une large variété de souches B. Trois anticorps (CR8033, CR8071 et CR9114) ont ainsi été isolés puis testés chez la souris infectée par une dose létale de différentes souches du virus B. Les trois anticorps ont protégés les animaux. L’analyse par microscopie électronique et cristallographie aux rayons X a permis de comprendre les sites de liaison avec le virus. Ainsi, CR8033 reconnaît une séquence conservée de la « tête » (head) de l’hémagglutinine grippale alors que CR8071 se lie à la base de cette structure du manteau externe des virus influenza. Pour ces deux anticorps, s’attaquer aux hémagglutinines grippales ouvre des possibilités thérapeutiques en empêchant les particules virales de se lier à d’éventuelles cellules hôtes et donc de les infecter.
CR9114 est quant à lui spécifique de la « tige » (stem) de l’hémagglutinine. En se liant à sa cible, l’anticorps inhibe la reconformation de l’hémagglutinine après l’infection, un mécanisme indispensable à la poursuite de la dissémination virale. Sans cette étape, le virus est incapable de fusionner avec la membrane externe des cellules hôtes. Le mécanisme de blocage emprunté par CR9114 est assez compliqué et explique pourquoi il était difficilement repérable par des méthodes de criblage in vitro classiques, comme les tests de microneutralisation ou d’inhibition de l’hémagglutinine. L’effet de CR9114 sur le processus d’infection par les virus A ou B de la grippe n’est en fait observable qu’en situation d’infection réelle.
La découverte de cet anticorps permet d’espérer le développement de vaccins ou de thérapies globales contre les deux principales familles de virus grippaux, A étant la principale responsable des pandémies et B une famille responsable de grippes essentiellement humaines mais très présente dans les épidémies saisonnières. Pour pouvoir espérer un vaccin universel des influenza, il faudrait identifier un anticorps qui reconnaisse aussi la famille C, virus interespèce plus rare que ces congénères et dont les symptômes sont modérés. D’après l’article de Science, CR9114 n’a pas été testé dans ce sens mais sa caractérisation démontre l’importance de repenser les méthodes de criblage afin de ne pas laisser de côté l’anticorps « panacée ».

(1) Dreyfus C et al. (2012) Science doi:10.1126/science.1222908
(2) Corti D et al. (2011) Science 333, 850-6

L’hémagglutinine des virus de la grippe B et les sites de liaisons de CR8033, CR8071 et CR9114
© Wilson lab/The Scripps Research Institute

Sites de liaison de CR8033, CR8071 et CR9114 sur l'hémagglutinine

SPIP Contact | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0 | mentions légales | logo Lavoisier logo facebook logo twitter Se connecter