Pour obtenir une cytotoxicité plus ciblée et plus efficace, les créateurs de nanovecteurs rivalisent d’ingéniosité. Des chercheurs de l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill et de l’Université d’État de Caroline du Nord à Raleigh proposent un système de double adressage des nanoparticules grâce à l’ATP. Leur idée part d’un constat simple : le milieu intracellulaire est caractérisé par un taux élevé d’ATP. Si en plus de cibler des biomarqueurs tumoraux, les vecteurs de médicaments ne délivrent leur charge cytotoxique qu’à l’intérieur des cellules, l’efficacité des protocoles serait accrue. Et ça marche.
Leur nanovecteur est constitué de trois composants principaux : des brins d’ADN contenant des motifs de liaison à l’ATP qui séquestrent la doxorubicine – une petite molécule chimiothérapeutique couramment utilisée –, de la protamine – une protéine qui facilite l’échappée des complexes ADN-doxorubicine après l’endocytose – et une enveloppe contenant de l’acide hyaluronique – qui permet de cibler les tumeurs via la surexpression de la hyaluronidase à la surface de nombreuses cellules cancéreuses. Ce système permet ainsi d’adresser les vecteurs vers la tumeur, puis de provoquer l’endocytose des nanoparticules par les cellules cancéreuses et de larguer la chimiothérapie dans leur cytosol, grâce à la libération de la doxorubicine après dissociation des doubles brins d’ADN en réaction à leur liaison à l’ATP.
Testés in vitro et in vivo, ces nanovecteurs de médicaments adressés par l’ATP améliorent la cytotoxicité des nanoparticules. Les doses de doxorubicine délivrées au niveau d’une tumeur chez des souris sont environ quatre fois plus élevées qu’avec la chimiothérapie seule. Elles induisent une rémission sans provoquer d’effet secondaire, notamment au niveau cardiaque. Ce double adressage semble une évolution naturelle des nanovecteurs de médicaments anticancer, en optimisant à la fois la spécificité et de l’efficacité de des chimiothérapies.
Mo R et al. (2014) Nat Commun 5, 3364
Schéma des nanovecteurs de médicaments adressés par l’ATP.
© Zhen Gu Lab/North Carolina State University/University of North Carolina at Chapel Hill