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Vivre d’arsenic et d’eau fraîche... impossible

mardi 10 juillet 2012

par Agnès Vernet

Après 18 mois de controverse, deux études mettent un terme à un véritable fantasme scientifique : la bactérie GFAJ-1 n’utilise pas l’arsenic pour vivre.

La revue Science a publié en ligne deux études démontant les hypothèses émises par Felisa Wolfe Simon dans ses colonnes en juin 2011 et dans une version en ligne dès décembre 2010 (1). Simon et son équipe de l’époque de l’Institut américain de géophysique avaient décrit des bactéries, appelées GFAJ-1, capables de croître dans un milieu dépourvu de phosphore mais riche en arsenic. Ces organismes, issus d’un lac salé californien très riche en arsenic, seraient capables d’après l’article de Simon de remplacer le phosphore par le métalloïde toxique dans ses acides nucléiques. Tollé parmi les biologistes pour qui la liste des éléments indispensables à la vie est bien connue : oxygène, carbone, hydrogène, azote, soufre et… phosphore. Pas moins de huit articles se sont succédé depuis dans Science pour infirmer ou confirmer (plus rarement) l’existence d’une aptitude à remplacer le phosphore par l’arsenic.
Ainsi, l’article de Rosemary Redfield, de l’université canadienne de Colombie britannique, a repris les travaux de l’article initial (2). À partir des mêmes souches bactériennes (fournies par le laboratoire de Felisa Wolfe Simon), son équipe n’a observé ni la croissance en absence de phosphore, même dans un milieu riche en arsenic, ni l’existence de lien covalent impliquant l’arsenic dans l’ADN bactérien. Les chercheurs canadiens en déduisent que la souche GFAJ-1 est bien résistante à l’arsenic - ce composant n’est pas toxique pour elle, contrairement à la majorité des cellules vivantes - mais définitivement phosphore-dépendante.
De la même manière, les résultats publiés par Tobias Erb et son équipe de l’Institut fédéral suisse de technologie concordent parfaitement avec les conclusions des chercheurs canadiens : la bactérie n’est pas capable de croître dans un milieu pauvre en phosphore, que ce soit en présence ou non d’arsenic ; la spectrométrie de masse haute résolution ne met en évidence qu’une présence très minoritaire d’arsenic dans l’acide nucléique, probablement liée à des molécules libres (3).
Il reste enfin à comprendre l’origine de l’erreur des chercheurs américains. Ont-il pâti d’une contamination de leur source d’arsenic par du phosphore ? S’agit-il d’une fraude scientifique ? Les paris sont ouverts.

(1) Wolfe-Simon F et al. (2011) Science 332, 1163
(2) Reaves ML et al. (2012) Science doi:10.1126/science.1219861
(3) Erb TJ et al. (2012) Science doi:10.1126/science.1218455

© Pixeltoo via Wikimedia Commons

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